Le seul intérêt qu’il y a à connaître un homme de son vivant est de comprendre celui qu’il est devenu après sa mort. Mais y a-t-il vraiment un changement ?
Enfant des bas-quartiers, Aaron a rapidement appris la loi du plus fort pour survivre. Au fil des années il a gagné en force et en assurance, ce qui lui a permis de s’affirmer auprès des siens et former son propre gang de rue. Enfreindre la loi ne lui a jamais fait peur, au contraire, la prise de risque le fait se sentir plus vivant. Après une éternité figé dans sa mort, il reste cet homme impétueux qui ne craint pas d’obtenir ce qu’il veut par des moyens fortement répréhensibles. La violence faisait partie de son mode de vie, elle ne l’a jamais vraiment quitté car c’est souvent le moyen le plus rapide pour lui de résoudre un problème.
Sans avoir de frère ou de sœur à protéger, son sens de la famille est très grand, mais pour lui elle se choisit. C’est ce qu’il a fait avec son gang ; ses relations avec ses proches sont souvent très fusionnelles et c’est d’ailleurs à cause de cela qu’il se retrouve trop souvent dans des situations délicates (si ce n’est mortelle). Aaron aime ou déteste, il ne fait pas dans la demi-mesure.
Il prend ses responsabilités vis-à-vis des plus jeunes très au sérieux et, sans forcément chercher à donner le bon ou le mauvais exemple, il se montre protecteur envers ceux qui dépendent de lui.
Qu'est-ce que…
Souffle coupé. …
Juste un regard. Pas lui…
Dernière pensée. Non !
Il est trop tard. Ce n'est qu'un souffle qui s'échappe d'entre ses lèvres, aussitôt engloutit par un flot de sang. Il sent la chaleur de sa vie s'enfuir de la plaie béante laissée par un poignard.
On s'imagine la mort silencieuse mais seuls ceux qui meurent savent. Ce cri qui ne peut sortir et qui résonne dans l'esprit, vacarme amplifié par cette sensation d'impuissance qui envahit l'être le temps des dernières secondes de vie. Une lutte vaine contre cette force qui l'emporte inexorablement vers le vide, l'inconnu.
Un clignement d'yeux. Puis plus rien.
Si seulement il avait pu…
Si seulement.La mort n'a que faire des si. Il n'y a que ceux qui doivent mourir et ceux qui doivent vivre. Elle prend et ne redonne pas. Enfin…théoriquement.
Ce blanc. Tout ce blanc. Et cette voix. Tout cela ne veut rien dire. Il est mort. Il s'est vu se vider de son sang et pourtant il est de nouveau là, dans cette même situation qui avait précédé l'inéluctable.
Renaissance. Qu'est-ce que…
Panique. ...
Impuissance. Pas lui...
Fatalité. Non !
Le couteau tranche le vide alors que sa cible l’évite avec habileté.
Il n’aurait jamais pu anticiper cette attaque sans l’avoir vécue. Aaron plonge en avant, il n’a qu’un objectif en vue. Il sait qu’il ne peut fuir la faucheuse mais s’il y a une chance, une toute petite chance de le sauver lui, alors il n’y a pas à hésiter une seule seconde.
Echapper à une mort pour s’offrir à une autre.
C’est drôle, il pensait que la douleur serait la même. D’un autre côté, une lame et une balle, ce n’est pas tout à fait pareil. Cela dit, toutes deux ont su trouver le chemin jusqu’à son cœur.
Le choc le projette en arrière alors que l’autre reprend tout juste son équilibre après s’être fait violemment pousser par son sauveur. Leurs regards se croisent, le mélange d’incompréhension et de tristesse qu’il lit dans celui de son ami fait sourire le mourant. C’est la fin mais ce n’est pas grave, il a pu lui offrir un répit, l’un d’eux survivra. N’est-ce pas ? … N’est-ce pas ?
La mort rattrape ceux qui la fuient. Horace